art sonore

David Nadeau

PARTITIONS POUR PIANO / PIANO SCORES

solo

The Egg Hatches At Dawn

Sacrum Imperium De Meum Imaginatione

Après la Grande Tribulation

La tonalité des méridiens

Une pluie comme les autres?

The Pralaya Blues Illusory effect

Les hybrides impersonnels

L’ère de la dispersion

Ardent Demiurgic Creators

Un fluide irradie l’univers connu

Les prophètes chancellent

Attached To A Frying Pan And A Butter Knife

Two Chopsticks And A Mixing Bowl

La Schola de Beauport

duo

The Holographic Corridor + accompagnement

(The Holographic Corridor + accompaniment)

David Nadeau partitions

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Non comme oui, Michel Zimbacca

Non rien n’est pour le soleil
Comme l’ombre fervente à tes pas qui s’éperd
Sous le tir lumineux
Mire sur l’identité
Balles à l’échec
Qui s’entraîne à nier l’attraction à l’instant où les bétons se bandent
Où toute connaissance échappe aux membres fuyants des famines
Où l’étale étreinte du sol religieux
Boit
La violente douceur de ta distraction
Il faut le sang vécu dans toute sa nuit
Pour que murmure ma joie lointaine
Sirène
Si j’ai sirène si rêve éveille
À moi ton ombre
Réel urgent
Je suis la transfusion du sommeil
Murmures sources souffles silence
Le coeur n’oblige que tous les chants éteints
Souffrira-t-il le songe difficile la longue et pourpre réunion
De tes quatorze départs noirs
Souffriras-tu la perte de l’unique arme blanche
À reconstruire l’homme désarmé que je me suis voulu toujours
T’éprendras-tu du vieux mythe solaire qui tel me tient
Au guet du désir naissant
Pour préserver tous germes
Des infécondités de notre possessif
Passez passifs
Élevez-vous toutes puissances à la passion actionnante
Oui j’aime je suis donc sans moi
Mais les quatorze parts au futur des friches
Ce furent douleurs pour mes deux belles possédées
Nulle part n’en tint la quête
Nul n’en assigna l’amour
Et la lune sans partage me rend les blessures et les cris
Que ma salive endort sur la couche aveuglée
Mais toi
Le mort obstacle t’a parlé
D’actes enfin rendus à ce qu’ont fait les mots
Loin au-devant de la parole
À ce qu’on décimé toutes larmes
Au grand recours qu’aujourd’hui seuls détiennent ceux qu’arment l’amour
Toi-même
Trouvée de ce qu’il fut pour une ombre plus belle
Convenu de perdre
Soeur inventée de ma destruction
Telle qu’à l’instant tout élan s’y relie
Isis
Sysiphe découvrent la part blanche
Sous l’ultime poitrine
Donnent ce qui sera
Et ne sera jamais assez.
Michel ZIMBACCA, dans  Le centaure inoxydable, 1994
tasse-pipe Zimbacca.jpg
(photo : Michel Zimbacca, Tasse-pipe)

L’incantation du Grand Désastre

Lourde des trois saisons suspendues à sa tête
marchant par le hasard et disant le destin
la voix tremble en voyant quel sera l’espace
trois visages imprévus se rencontrent soudain
et dansent devant elle pour éprouver l’orage

goth veineiénéla veinen goth
goth veineiénéla veinen

Le cadavre en passant perdait ses oubliettes
et rentrait dans le sol bien armé de ses dents
mais la dame soudain lui montrait les cachettes
où des aigles mortels s’effondraient en criant

goth veineiénéla veinen goth
goth veineiénéla veinen

Pour danser sur la braise il faut mourir avant
répondaient les oiseaux les doux oiseaux de poudre
et les yeux qui montaient à la corde des ombres
et les yeux qui blessaient les yeux des fins du monde
abattus sur les eaux laissaient tourner le vent

goth veineiénéla veinen goth
goth veineiénéla veinen

mais l’arbre des unions n’entendait pas merveille
la cloche inespérée se mariait au feu
et l’ordre d’avancer chanté par les corneilles
se lava de vin tiède et fit la part des dieux

goth veineiénéla veinen goth
goth veineiénéla veinen

Alors quatre géants descendus des abîmes
portés par l’Animau qui buvait ses aïeux
assis sur les décombres étreignant les victimes
firent tomber les fruits en chantant leurs adieux

goth
goth
goth veineiénéla veinen goth
………………..veineiénéla veinen
………veinen veineiénéla veinen
.goth veinen veineiénéla veinen

goth

André DELONS

andré_delons

Corps neuf, Dominique Paul

Un corbeau d’au-dessus de mes forces est venu planter ses yeux dans les miens, ce mercredi 29 novembre vers quinze heures et cinq minutes. A deux mètres de moi, ce face-à-face entre mon bureau et la fenêtre, durant une à deux minutes, me sidéra. J’écrivais à ce moment, pour « Révolte et Tradition » : « La Tradition accorde d’ouvrir des voies autrement, quand ce n’est pas de percer des tunnels où parfois poser des mines. Elle se veut justement le contraire de ce dont la soupçonnent les ignorants qui lui imputent le refus d’aller voir plus avant. Elle permet d’enlever le masque de « l’évidence rationnelle » à la connaissance et de se plonger dans l’expérience de parole révélant l’humanité, de cette Parole qui fut et demeure langue des oiseaux, Verbe, cris de poètes, jeux de l’ouïe et seul désir d’âme à Licorne… » J’avais déjà rédigé deux pages qui soudain me semblaient inconsistantes par rapport à cette rencontre bouleversante. L’oiseau m’était apparu énorme alors que l’ombre entrait dans la pièce et attirait mon regard vers l’éphémère voile noire que le déploiement de ses ailes mit brièvement aux vitres le temps qu’il accostât. Il s’était posé là, sur la margelle de cette fenêtre proche du toit, maintenant il occupait toute la largeur de verre du battant, à ma droite, et m’observait. Pareillement, je le regardais ou, plutôt, je le dévorais des yeux. Le temps s’était arrêté, dévoré lui aussi, englouti dans cette gueule d’immobilité que nous tenions ouverte chacun par un bout. Temps qui habituellement court et s’essouffle avec l’homme d’aujourd’hui, à toute vitesse vers ce meilleur des mondes qu’est la modernité – censée le mettre à distance itérativement de l’ignorance « grossière » précédente, perpétuellement redéfinie par nos sciences à la botte des autorités. La tension du sentiment que j’éprouvais maintenant puisait son énergie dans des sources de savoirs autrement plus authentiques, fruits d’expériences sans âge accumulées par des millénaires d’humanité. Cette force pouvait tout aussi bien être de l’ordre de la colère, éveillée par le cri déchirant du corbeau, préparant l’écroulement de remparts, de prisons de l’esprit, de garde-fous. Je savais déjà que la Tradition contredit la barbarie autorisée que ratifient les rationalismes cyniques de tous les pouvoirs. (Combien de « merveilleux » hélas tombé sous le sens comme sous des bombes ! ) Subversive, elle s’entend à désavouer le modèle mécaniste qui explique le monde en tant qu’antagonisme infini de sujets et d’objets ; à réfuter les dichotomies de corps et d’esprit, de matière et d’énergie, du même et de l’autre ; à perturber de tête-à-queue les autoroutes de la pensée plaçant le bas en haut et transformant les corbeaux en beaux corps… D’abord, j’avais eu peur, puis juste de l’inquiétude et enfin de la fascination ; anxieuse à l’idée que l’oiseau ne parte et me quitte, j’avais une envie folle qu’il se passe quelque chose de mémorable entre nous, d’objectivable. Pourtant n’eut lieu que ce long échange de regards pendant lequel l’intuition angoissante me vint qu’une occasion m’était offerte, mais laquelle ? Je me sentais coupable de ne pas savoir correctement la saisir . A quelle croisée du surréalisme (auquel je me consacrais à cet instant d’écriture) et de la Tradition (qui prenait corps dans le corbeau) me trouvais-je, alors que j’avais ouvert ma réflexion ce jour-là par ces mots que Breton prononçait en 1950 : « Je n’ai pas renoncé à creuser plus avant pour savoir si le surréalisme rejoint véritablement la pensée traditionnelle – disons celle de Swedenborg, de Fabre d’Olivet – jusqu’à se confondre finalement avec elle ou si elle ne présente avec celle-ci que des points d’intersection. » J’y avais lu dans les deux cas une affirmation de l’authenticité du lien entre Surréalisme et Tradition, quoiqu’il restât à débattre du niveau d’intensité de la relation. En aucun cas il n’aurait pu s’agir d’un quelconque asservissement du Surréalisme à une démarche traditionnelle donnée – ce dont semblent encore étonnamment s’effrayer quelques surréalistes hostiles à toute approche de la Tradition. Car cette dernière n’est pas la courroie de transmission de dogmes venus de l’extérieur de l’individu pour remettre celui-ci sur un chemin convenable, mais le fil qui court entre les êtres humains duquel chacun peut tisser son épreuve (c’est-à-dire éprouver à sa manière, de l’intérieur, un mythe parmi d’autres nés avec l’humanité, de ceux que chacun approche à l’heure venue d’une mutation – voire d’une transmutation).
Il est conçu, dans la Kabbale, un mouvement libérateur nommé techouva, qui signifie se retourner, faire demi-tour, se détourner d’une orientation de vie pour en choisir une autre et qui me paraît l’archétype des puits de révolte et de résistance à l’univers uniforme et aliénant que les banques mondiales nous planifient d’avance, relayées par les discours scientifiques, économiques, modernes et « réalistes ». L’encombrant corbeau noir descendu du noyer altier jusqu’à ma fenêtre avait l’air agressif des rebelles et, après le temps d’observation qui lui fut sans doute nécessaire, il me jeta son croassement railleur à la face, le bec grand ouvert sur son Rouge. Il ne s’en tint pas là : basculant brusquement la tête en arrière pour prendre de l’élan, il frappa un grand coup contre le carreau, puis un second, de toute la dureté de son bec, de toute la violence de sa noirceur. Prophétique oiseau d’Apollon, guerrière déesse Bodh, Arthur d’Avallon ou Anne vierge noire, quel oracle es-tu venu m’apporter, quelle sagesse me confier, quelle action m’insuffler, quel reproche me faire ? Quelle réponse, quel retour (qui sont aussi des traductions de techouva) proviendront-ils du volcan de mon enthousiasme ? Peut-être cet appel enflammé, qu’advienne toute perturbation du « bon sens commun« , laquelle vaudra toujours son pesant d’insubordination. Dans le cadre de notre civilisation mortifère libérale, la Tradition a un rôle hérétique à tenir – bien que ce ne soit pas le seul. Il se pourrait bien qu’elle fût la Dame de nouveaux troubadours (ces « trouveurs » qui savent soupçonner le surgissement des sources où l’on est passé mille fois sans les voir). Apollon et la corneille Coronis avait su enseigner à Asclépios l’utilisation des énergies terrestres d’Epidaure afin que leur fils sauve les hommes contre les dieux, ces parvenus Olympiens. Mon corbeau était venu en guérisseur troubler l’ordre à rebrousse-vol. Pour mieux résonner encore à l’événement, il se trouvait que j’étais sérieusement malade, consciente de n’avoir pas encore digéré le serpent devenu dragon qui survivait en mon corps depuis le début du mois, m’y étouffant. Avant qu’il ne fût parti, ai-je eu le temps de souhaiter que le corbeau me guérisse, qu’il chasse le dragon ? J’ai ressenti une telle déception lorsque, d’avoir heurté la vitre, il fut comme effrayé de son propre bruit et s’envola aussitôt, regagnant les hautes branches sombres et nues du grand noyer, derrière notre jardin. Même d’aussi loin, il paraissait imposant. En ces lieux tellement familiers – ce petit bout de jardin dans un coin de banlieue, avec ces plantes estropiées de béton, où seuls trônent quelques arbres aimés, dont le houx et ce fameux noyer, qui respirent encore d’offrir l’hospitalité aux oiseaux – il me semblait qu’était venue trancher la Parole de Delphes, me plantant son regard de poignard au centre des chairs et les réflexions récemment lues chez Pierre Peuchmaurd se vérifiaient : « La transcendance est une qualité de l’immanence (son « relevé », peut-être), à peine cachée, en constant désir d’apparition. Elle se donne au passant. Cadeau de l’immanence au provisoire, elle se donne à qui se donne. » A portée de main, la con-naissance, à portée de tous, mais par un chemin inédit, toujours, et attentif, d’un coût exorbitant de vigilance. A portée de poing, la ré-volte, jaugée à chaque pas placé de travers dans des traces qui n’attendaient qu’un homme grégaire.
Ce matin, c’est moi qui attends le cher corbeau ; je l’appelle. Je lui dois sans doute d’être enfin délivrée du serpent et de ma toux nocturne. J’ai mis quelque nourriture sur la margelle et mes yeux fous de le guetter sont éblouis par un soleil trop bas : le contre-jour m’empêche d’être sûre de le reconnaître, là-haut, dans les branches du noyer aussi noir que lui. Il y a encore ces notes, devant moi, de ce que je préparais hier pour le papier sur « Révolte et Tradition » qui, du coup, s’est pris de plein fouet l’apparition troublante. Ce sont des propos d’Annick de Souzenelle que j’avais relevés longtemps auparavant, où elle évoque l’actuel être humain doté, selon elle, d’un hémisphère gauche hypertrophié, sourd et aveugle à son propre mystère : « On peut alors penser que ce qui différencie cet homme du schizophrène abîmé dans son seul monde intérieur, ses ténèbres, sans pouvoir de communication avec le monde extérieur, consiste en ce qu’il reste, lui, coupé de son intériorité et investi dans le seul monde extérieur où il n’a qu’illusion de relations ; mais il a normalisé cette pathologie et en a fait la référence de santé ! » Ici j’espère, fervente, ces ténèbres ailées comme des flammes, qui ne seront ni ce qui coupe, ni ce qui abîme, mais ce qui relie à la fois au monde et au cœur de soi. Je me souviens d’en avoir appelé, dans un poème, à la Tradition, comme seule révolte qui restât. Est-elle l’unique résistance ayant assez de corps (de consistance) pour l’esprit ?
Dominique Paul
Post scriptum
La crainte fondamentale, qui habite l’individu révolutionnaire vis à vis de la Tradition, réside sans doute en ce que celle-ci est un retour aux sources et, en tant que tel, semble privilégier le passé sur l’avenir, donc être réactionnaire. Or c’est du devenir qu’il faut se préoccuper : ce venir d’où qui assure notre continuité, condition des lendemains qui chantent. Il n’y a pas à se méfier des sources plus que des embouchures ! Il ne faut ni boucher les fontaines, ni les vider, car sans elles ni fleuve, ni delta…Quant à ces mots aimés : révolution, révolte, subversion, on ne peut négliger ce qu’ils charrient de retour, de redites, de face cachée, de replis, toutes choses qu’il s’agit de relire, revoir, recommencer, non pas pour rabâcher, mais parce qu’il s’agit d’aimer et de caresser, donc d’abandonner ces réflexes consuméristes d’une société de la jouissance sans joie, qui court droit devant après un désir gangrené, tout en saisissant ce qui brille au passage et en recrachant salement l’indigeste par terre. A bien y regarder, cette course se pratique autour d’un cercle (circonscrivant quelle absence ?) et la manière rusée de rattraper le désir de face, afin de le prendre à bras le corps, consisterait peut-être tout simplement à se retourner et à le surprendre. Par bonheur, je ne cours guère et je mets plus de confiance en l’acte magique – qui peut n’être que ( !) Parole – que dans toutes les courses ou tous les discours, pour métamorphoser la vie. La magie ne se subit pas, elle se provoque, elle demande une grande énergie et beaucoup d’indocilité ! Marcuse en appelle aux contre-images pour remplacer les images des médias et au contre-langage désagrégeant le langage afin d’accéder à une libération « totale » ; cela suscite en moi deux mouvements, qui ne sont peut-être que les faces d’une même pièce douée de forces ensorcelantes : une pratique de la subversion des langues conventionnelles et un plongeon ardemment désiré dans l’univers des images symboliques de la Tradition qui m’ouvre, lui, le plus grand nombre qui soit de cheminements possibles et dotés de sens, parmi lesquels j’ai toute liberté de choisir pour m’entretenir avec le monde sans m’écarter de ma vie.
Regarde les lumières.

 

Regarde à l’intérieur des lumières…

 

Monte et monte

 

car tu possèdes une force puissante.
Tu as des ailes de vent,
de nobles ailes d’aigle…
Ne les renie pas de peur qu’elles te renient.

 

Recherche-les et immédiatement elles te trouveront…
(Orot Haqodèch de Baal Haorot, traduit par M.-A. Ouaknin)
(photo: Dominique Paul, La meneuse de chaos)Dominique Paul, assemblage extrait du carton d'invitation

Rik Lina, Un coup de dés

 » JAMAIS, quand bien même lancé dans des circonstances éternelles du fond d’un naufrage
Soit que l’Abîme blanchi, étale furieux sous une inclinaison plane désespérément
d’aile, la sienne, par avance retombée d’un mal à dresser le vol
et couvrant les jaillissements, coupant au ras les bonds très à l’intérieur
résume l’ombre enfouie dans la profondeur, par cette voile alternative
jusqu’adapter à l’envergure sa béante profondeur en tant que la coque d’un bâtiment
penché de l’un ou l’autre bord » (…)

(extrait de Un coup de dés…, de Stéphane Mallarmé)

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